En 2019, la doctoresse Florence Emery Montant fêtera ses vingt ans d’installation. Une éternité pour certains. Mais pas pour elle. Toujours passionnée et enthousiaste, elle revient sur ce qui fait, à ses yeux, la beauté de la pratique de médecin interniste généraliste. Mais aussi sur les transformations que le métier a connues et sur les combats qu’elle veut mener avec et pour ses collègues.

« Si c’était à refaire, je ne changerais rien. » Docteure depuis trente ans, rien ne destinait pourtant Florence Emery Montant à cette carrière. Genevoise pur sucre, attachée à son canton, voire même à son quartier, elle ne fait pas partie, comme tant d’autres, d’une lignée de médecins. Non. Ce qui a guidé cette fille de financiers, au début, ce n’est ni l’aura du métier ni la science, mais une conviction profonde. « Ce que je voulais, dit-elle, c’était aider les autres. C’est pour ça que j’ai choisi ce métier. » Son modèle : le médecin et théologien protestant Albert Schweizer. Elle a d’ailleurs fait sienne sa devise : « un homme aux services d’autres hommes ».

C’est l’ensemble de cette vision qui l’a toujours accompagné dans ses choix professionnels. D’abord durant les débuts de SOS médecins, auxquels elle a participé. « J’ai appris le métier dans les hôpitaux périphériques. A Monthey, Fribourg et Morges. Avec l’avantage qu’on doit se débrouiller seule très vite et qu’on traite tous les cas d’urgence. Travailler à SOS médecins fut une suite logique. C’est une expérience forte et irremplaçable parce que vous vivez des situations délicates en entrant de plain-pied dans l’environnement privé des gens. Pour moi, cela a été une école de vie. »

Une première expérience que Florence Emery Montant n’a cependant pas voulu prolonger durant sa vie. Car ce qui lui importe avant tout, c’est la relation avec l’autre. Or, comprendre des patients dans leur globalité est impossible dans l’urgence. D’où le choix de la médecine générale. Elle permet l’écoute et le suivi que Florence Emery Montant a par la suite souhaité apporter à ses patients. « Ce que beaucoup ne comprennent pas, notamment les assureurs et les politiques, c’est que la vie des gens bascule d’une minute à l’autre. D’un coup, vous faites partie des malades. Et vous avez besoin d’être suivi et écouté. »

A la médecine générale, Florence Emery Montant a ajouté des formations complémentaires en hypnose médicale et en thérapie cognitivo-comportementale. Pas pour jouer « au petit psychiatre », assure-t-elle, mais pour mettre au centre de ses préoccupations l’écoute du patient. Une attitude qui peut paraître banale aujourd’hui, mais qui ne l’a pas toujours été. « Quand j’ai commencé, explique-t-elle, la relation médecin-patient était verticale. J'ai eu des patrons qui ont été pour moi des mentors et qui m'ont appris la rigueur, l'humilité et l'humanité. Mais il y en a d'autres qui avaient des attitudes vraiment choquantes dans leur relation avec les malades. Cela a changé maintenant. La relation est devenue horizontale, fort heureusement. » 

De cette place privilégiée au contact des gens, Florence Emery Montant a appris que le temps et la santé étaient des valeurs qui n’avaient pas de prix. Et c’est ce que ne comprennent pas les politiques lorsqu’ils jugent les médecins. « Personne ne nous soutient. Il n’y a de place que pour parler chiffre d’affaires et coûts. » Il faut agir pour exister et faire exister cette vision, affirme cette femme de tous les combats, qui siège au Conseil de l’Association des médecins du Canton de Genève et à l’Association genevoise des médecins internistes et généralistes. « Nous avons en face de nous des professionnels très bien organisés. Nous ne sommes que des miliciens, qui plus est très individualistes. Surtout, le problème est que nous avons toujours un coup de retard. » Une situation qui la préoccupe, surtout pour la relève, qui travaille certes différemment, mais qu’il faut apprendre à écouter et soutenir. « Ma crainte, conclut-elle, c’est qu’à terme la jeune génération ne puisse plus exercer une médecine libre et intelligente, avec la fierté du travail bien fait. » En médecine, se voir priver des moyens permettant d’assurer la qualité est particulièrement grave. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas une réussite ou un échec, mais bien la vie elle-même.